Vous pouvez retrouver la Première Partie de la brève histoire du chat ICI
Au lendemain de la chasse aux sorcières qui a occupé la fin du Moyen-Age, le chat a retrouvé progressivement sa complicité avec les humains dès la période de la Renaissance pour notre plus grand plaisir.
Cette période n’a pas la même datation, que l’on parle de l’Italie, de l’Allemagne, de l’Angleterre ou de la France, et c’est plutôt pour signifier une cassure avec les obscurités du Moyen Âge que l’on va parler de Renaissance. Et c’est bien de cela qu’il s’agit pour notre ami à quatre pattes. Il faut quand même attendre la fin du XVIIème siècle pour, qu’enfin, la sinistre période de « la peur brûlée », dirigée par les instances religieuses, prenne fin. Il n’était toutefois pas encore en odeur de sainteté, et ce dernier se faisait encore discret. Quoi de plus normal, le chat avait subi de longs siècles de persécution, et l’on n’était pas vraiment prêt à le réhabiliter, tant les habitudes ont le poil dur. Il était encore raillé par les intellectuels, on lui faisait toujours porter le mauvais rôle dans les fables et les chansons. Mais, petit à petit, on a commencé à entendre les voix de ceux qui osaient affirmer leur affection, et pas des moindres. Ainsi Michel de Montaigne, Joachim du Bellay, Charles Perrault et Léonard de Vinci parlèrent tout haut de leur admiration pour la race féline. Richelieu, homme d’État et religieux, en était lui-même épris, et nul n’ignorait les soins qu’il leur prodiguait. On le vit apparaître sur les toiles, surtout dans des scènes d’intérieur, retrouvant le foyer douillet, et l’on put alors pressentir qu’effectivement, le vent avait tourné pour le chat. Autre signe de détente, les feux de la Saint-Jean, véritable hécatombe pour la race féline qui finissait à coup sûr jetée au bûcher, devraient dorénavant se passer de cet invité malgré lui. La situation se transformera bientôt en véritable plébiscite, car, comme au XIVème siècle, c’est plusieurs foyers de peste qui vont le réhabiliter aux yeux de tous.
Si cette maladie n’avait jamais vraiment disparu depuis le Moyen-Age, de violents épisodes vont réapparaître, pour ne citer que ces quelques lieux, à Toulouse et en Italie en 1628, à Melun en 1652, à Amsterdam en 1664, mais aussi à Londres en 1665. Au total, ce fut 25 millions de personnes qui moururent de la peste bubonique. Les chats étant toujours persona non grata, les rats, passagers clandestins des navires marchands arrivant d’Asie et porteurs de la maladie, purent débarquer à nouveau dans les villes portuaires sans rencontrer leur prédateur. Il était donc grand temps de redonner au chat son rôle bienfaiteur et de lui permettre de chasser à nouveau sans être inquiété.
Une loi, édictée par Colbert, stipulait qu’un bateau ne pouvait pas prendre la mer s’il n’y avait pas au moins deux chats à son bord afin de protéger les marchandises. Il aurait d’ailleurs prononcé cette célèbre phrase, « Ce navire est en état de naviguer, il y a deux chats à bord ». Cette loi était tellement prise au sérieux que les assurances pouvaient refuser de rembourser d’éventuels dégâts si le commandant du navire ne pouvait pas prouver la présence des matous à son bord. Protecteur des marchandises et des hommes, le chat, qu’il soit portugais, italien, anglais ou français, sera de tous les voyages.
Le XVIIIème siècle fut secoué par un souffle nouveau et de grands esprits se libérèrent du collet de la Religion. Ils se donneront comme objectif de faire table rase du passé obscurantiste et d’encourager la connaissance scientifique, philosophique et littéraire. On veut connaître et connaître bien. Pour ce faire, une œuvre majeure fut pensée, l’Encyclopédie, ou le Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Daubenton, Buffon, Venel, Jaucourt, Diderot et d’Alembert se réunirent et travaillèrent de concert pour observer et décrire de nombreux sujets. Le chat y eut son entrée, bien sûr, et l’on apprit de nombreuses choses sur l'animal qui était encore considéré comme un mystère. Les connaissances du sujet se voulurent scientifiques, culturelles, et parfois surprenantes. Ainsi, on y apprenait que le chat était de la famille de l’ours ! À cause de leurs dentitions, il semblerait, mais ces intellectuels auront la prudence de prendre leurs distances avec des sources invérifiables. Le doute y fut de bon aloi, et beaucoup de recherches médicales et anatomiques permirent de mieux connaître les chats. On ne savait pas bien où le classer, domestique ou sauvage, et l’Histoire naturelle lui réservera une place de transition. Cela confirmait sûrement encore sa fausseté et sa perversité et, malgré cette volonté d’évolution, la hache n'était pas encore complètement enterrée. L’Homme et le chat semblaient toujours se regarder en chien de faïence.
L’arrivée de nouvelles races exotiques permit une reconsidération du chat. On n’avait plus à faire au chat de gouttière qui griffait et chassait, mais à quelque chose de nouveau, proche de l’objet du plus bel effet. Le chat angora fut le summum du bon goût et l’on commença à rechercher ces chats à la si belle robe. L’aristocratie allait en être totalement éprise, et il fut de bon ton de disposer d’un chat dans les salons littéraires car ceux-ci avaient l’élégance de la placidité. Le chat fut désormais un compagnon plausible pour les êtres humains, et on lui attribua une meilleure place dans les arts. Ainsi, il y eut même des artistes officiels, comme Gottfried Mind, ce peintre suisse qui fut désigné comme le « Raphaël des chats ». En musique aussi, le chat va être représenté, et on aimait ses jeux et ses mimiques. Mozart lui fit un clin d’œil dans « La pierre philosophale » en faisant miauler son personnage frivole, Lubanara. Le tournant décisif fut pris avec la Révolution française, et le chat connut un succès moins nuancé, car il ne devint rien de moins que le symbole de la liberté. Tout en restant l’animal favori des aristocrates. Décidément, sa grande souplesse force le respect.
Le monde du XIXème siècle fut, à plus d’un titre, une véritable révolution industrielle, scientifique et intellectuelle, et donc un authentique foisonnement de découvertes qui mirent au pilori les croyances non fondées des siècles passés. Ainsi, grâce au travail de Louis Pasteur et à son vaccin contre la rage, on apprit, enfin, que le chat n’y était pour rien dans les transmissions de maladie. En voilà une réhabilitation, et l’engouement que le chat avait commencé à prodiguer au siècle dernier se confirma et devint même une franche passion. Les musiciens, les écrivains, romanciers ou poètes, et les peintres, mais aussi les têtes couronnées, tous furent de grands admirateurs de la grâce féline. Et le chat n’aurait pu rêver meilleurs défenseurs. Car si l’on devisait sur lui, qu’on le croquait et qu’on mettait ses entrechats en musique, c’était bien parce qu’il en était digne. Même le pape Léon XII a succombé aux charmes félins, et l’histoire de Micetto, chat de gouttière romain, fut racontée à travers toute l’Europe, car, non content d’avoir vécu dans les ors papaux, il devint, à la mort de son maître, le chat de François-René de Chateaubriand. En effet, il était ambassadeur de France au Vatican et le pape, qui avait pu constater l’affection qu’il avait pour les chats, lui légua, à sa mort, le sien. Il revint donc en France avec cet héritage improbable.
Le XIXème siècle fut aussi le temps des expositions et des présentations publiques. Ce fut aussi le meilleur moyen pour faire connaître à tous les nouvelles races de chat qui arrivaient de partout, et la première eu lieu à Londres, au Crystal Palace en 1871. Le public pu y découvrir de nombreux chats, surtout des persans, des britishs shorthairs et des siamois, et le succès que connu cette animation fut de bon augure pour l’élevage des chats de race, mais aussi pour ce genre d’exposition. On commença également à distinguer les chats communs des chats de race.
Cette période propice aux avancées fut aussi perceptible dans la considération que l’on portait non seulement aux chats, mais à tous les animaux domestiques, et l’on vit de nombreux groupes de défense apparaître en Europe et aux USA. Les lois évoluèrent et l’on condamnait désormais la cruauté envers les animaux.
De nos jours, le chat fait partie intégrante de nos vies. On grandit avec des chansons enfantines qui le mettent en scène et l’on ne compte plus les livres, les bandes dessinées, les dessins animés et les films populaires qui ont pour héros cet animal espiègle. Il a même été le sujet d’une comédie musicale à Broadway, « Cats », qui aura un grand succès mondial. Le chat est devenu une star internationale. On estime à 400 millions le nombre de chats de par le monde, et il est l’animal familier de prédilection des populations urbaines, car il a l’avantage indéniable de pouvoir rester seul la journée et de se contenter de l’espace restreint d’un appartement. Il possède désormais un rôle sociétal et même thérapeutique, et des études ont démontré qu’un enfant élevé en compagnie de chat développe un comportement plus calme et plus attentif à l’environnement extérieur. Il est aussi aujourd’hui employé en tant que catalyseur d’émotions et dans les maisons de retraite, il apporte une sérénité et une joie de vivre certaine. Ses siècles de souffrance sont désormais derrière lui et le chat est dorénavant considéré comme un proche fiable qui charme, passionne et amuse.