Education, Comportement
30.10.2020

Une brève histoire du chien, des origines aux mythes chthoniens

Le chien est considéré comme le premier animal ayant vécu au contact étroit de l’homme et, du fait de cette relation, son évolution est intimement reliée à celle de l’espèce humaine. Ainsi, en savoir plus sur ses origines, c’est en connaître davantage sur notre propre histoire d’hominidé. Voici donc ce que nous connaissons de l’apparition, de la domestication et de l’évolution de celui qui demeure, depuis la nuit des temps, notre meilleur ami.

Les origines du chien

Les premiers canidés

Les canidés primitifs remonteraient à plus 40 millions d’années, mais cette désignation est le fait du mode d’alimentation carnée des mammifères concernés. Ceux-ci n’auraient pourtant pas eu grand-chose en commun avec le chien. En effet cynodictis serait plutôt apparenté à la civette ou au raton laveur. Il était aussi, semble-t-il, arboricole. Quoi qu’il en soit, c’est cet ancêtre qui reste en lice pour la place du premier canidé connu. La suite n’est pas plus attestée, et l’on peut avancer uniquement des hypothèses, car, de par le monde, plusieurs foyers d’animaux « broyeurs d’os » ont été classés dans la famille des canidés et sont apparus simultanément sur les continents américain et européen. Au Miocène, entre 23 et 16 millions d’années, Tomarctus serait à l’origine d’une trentaine d’espèces de la famille des canidés. Ce sont eux qui sont considérés comme les premiers canidés modernes. Mais cela se passait sur le continent américain, et il n’y a aucune preuve que ces animaux aient migré vers l'Europe. Vouloir attribuer une origine précise aux ancêtres du chien semble être impossible, et nos connaissances actuelles ne nous permettent pas de savoir avec précision d’où ils venaient. Ce qui reste malgré tout certain, c’est que cette diversification des premiers canidés donnera, il y a environ 600 000 ans, Canis lupus, le loup gris commun d’Europe.

Le chien descend du loup, une hypothèse admise aujourd’hui

Les nouvelles études archéologiques démontrent aujourd’hui que le chien descend non plus d’un seul loup, mais de deux. Ainsi, une origine daterait de plus de 15 000 ans en Europe, et l’autre de 12 500 ans en Asie de l’Est. Ainsi, le loup au contact des êtres humains va devenir le Canis lupus familiaris, le chien domestiqué.

La domestication du chien

Cette histoire implique de nombreuses disciplines travaillant de concert afin de démêler l’écheveau complexe des interactions. Ainsi, des archéologues, et plus précisément des archéozoologues, ainsi que des phylogénéticiens nous renseignent sur les divers rôles qu’aurait eu le chien dès la fin du paléolithique. Les hommes de cette période étaient des chasseurs-cueilleurs nomades qui se déplaçaient à la recherche de végétaux et des troupeaux de rennes. Ils avaient d’abord été charognards, mais les meutes de loups d’alors leur ont montré que ce bétail pouvait aussi être chassé. Pour ce faire, il fallait être organisé, et avoir une technique de chasse imparable, de l’endurance et une certaine vitesse. L’homme va pallier ces manquements en imaginant et en s’équipant d’outils, comme les lances, les javelots, et les couteaux. Et en domestiquant le loup, il va acquérir, du moins symboliquement, un formidable odorat, une ouïe beaucoup plus performante et une vitesse inimaginable. Du fait de cette proximité, le loup, qui était déjà un animal social puisqu’il vivait en meute hiérarchisée, va être apprivoisé. S’en suivra inévitablement une transformation tant physique que psychologique.

La lente adaptation des races canines

La domestication du loup a donc permis de donner naissance au chien. Les hommes du Néolithique ont alors commencé un travail qui sera de très longue haleine, plusieurs milliers d’années, et cette tâche de sélection selon les aptitudes va conduire aux diverses races de chien. Petit à petit, l’animal va acquérir une taille réduite, le chanfrein va aussi se raccourcir. Il va alors commencer à aboyer et à gémir, montrant par là son irrémédiable spéciation. L’histoire humaine est constituée de migrations et les premiers agriculteurs ne vont pas s’arrêter de se déplacer même s’ils avaient acquis une façon différente de se nourrir. Ainsi, le monde est en mouvement, et le chien est aussi du voyage. Le canis familiaris du Moyen-Orient va alors rencontrer le chien d’Europe occidentale et celui du continent asiatique, et d’autres races vont naître de ces métissages. Cependant, une race de chien désignée selon son habitat était déjà présente en Europe depuis le Néolithique ancien.

Le chien des tourbières, un cas à part ?

Les cités lacustres sont les espaces de vie de l’homme du Néolithique. Elles ont été érigées le long des berges de lacs ou d’étangs situés entre les Alpes et le Jura occidental, et cette spécificité est, aujourd’hui, d’une grande aide, car les sols boueux ont bien conservé de nombreux ossements de canidés. Ce milieu humide a donné le nom à cet animal et il est donc connu comme le « chien des tourbières » ou Canis familiaris palustris. De nombreuses études ont été faites par le muséum d’Histoire Naturelle de Genève et elles nous révèlent les spécificités de ce chien. Ainsi, en Suisse, au Néolithique et à l’Âge du bronze, le chien présentait une taille de 40 à 55 cm, bien plus petite que celle du loup. Cette caractéristique, que l’on retrouve sur tous les sites étudiés, est le marqueur d’une domestication bien établie. Mais à quoi servait donc ce petit chien des tourbières ? Selon les paléobiologistes suisses, il aurait servi autant d’animal de boucherie que d’animal de compagnie. Ses ossements et ses dents étaient largement exploités pour la confection de parures et de pendeloques. Ainsi, le chien des tourbières n’était pas un chasseur, sa petite taille n’étant pas d’une grande aide pour la chasse aux grands mammifères, mais un fournisseur potentiel de produits alimentaires et non alimentaires, et toute son anatomie, aussi bien sa chaire que ses os et sa fourrure, fut exploitée en ce sens. Mais, fait curieux, on a retrouvé des squelettes intacts de chien adultes enterrés avec des ossements humains, ce qui lui confère un statut différent de l’animal de boucherie et on peut alors en déduire qu'il fut déjà considéré comme animal de compagnie. C'est donc une relation complexe qu’entretenaient les hommes de l’Âge du bronze avec le chien des tourbières

L’importance du chien dans la culture humaine

Le chien est donc un ami qui nous veut du bien depuis des temps immémoriaux et, à chaque époque, l’homme lui a attribué un rôle selon les mythes et les croyances qui avaient cours, mais aussi selon les conditions de vie. Il va être tour à tour loué pour son intelligence et sa fidélité, utilisé pour les combats et la guerre dans l’Antiquité, et détesté dans les milieux ruraux du Moyen-Age, car seuls les princes avaient des chiens, et ils étaient le symbole de la violence des maîtres sur les serfs. Il était donc méprisé pour ce même prétexte de fidélité.
Ce comportement de souffre-douleur le fera être le parfait messager pour les enfers.

L’animal psychopompe par excellence

Dans de nombreuses cultures, tout autour du monde, le chien a l’important rôle du conducteur des âmes dans le royaume des morts. Que ce soit dans l’antiquité égyptienne, avec le dieu Anubis, plus chacal que chien, ou Cerbère, le gardien des enfers à trois têtes de molosse, de même que Gam dans la mythologie nordique qui gardait l’entrée du pays des glaces, le Niflheim. Au Mexique, Xolotl, le dieu à tête de chien devait accompagner non seulement le soleil dans l’Autre-Monde chaque nuit, mais aussi les âmes défuntes. Son rôle était d’ailleurs si important, qu’il se devait de sacrifier tous les autres dieux aztèques afin de permettre au soleil de poursuivre son périple. Ce rôle de contrôleur temporel se retrouvera dans différentes cultures, comme en Chine et en Égypte, et on retrouve alors ici la symbolique de l’étoile Sirius, chien d’Orion dans la mythologie grecque et astre principal de la constellation du Grand Chien. En Afrique, chez le peuple bantou, lors de la transe du sorcier, c’est le chien qui va lui délivrer les messages des morts. Et dans la religion de la Perse antique, il est l’animal de prédilection du dieu Ahura-Mazdâ pour protéger les âmes. Il a d’ailleurs un rôle très contraignant, puisqu’à vouloir prendre sur lui les malédictions, il en deviendra lui-même déchu.

Plus tard, les religions du Livre auront aussi leur mot à dire au sujet du chien, et dans les croyances juives, il ne sera pas question d’avoir un chien chez soi, tandis que, pour les musulmans, il reste la pire insulte qui soit, bien que Mahomet encourage la compassion envers lui. La religion chrétienne, quant à elle, approuve ce comportement de fidélité à son maître jusqu’à la mort, et les saints sont souvent accompagnés de ce symbole de contrition.

Et c’est là tout le problème, à force d’avoir été fidèle à l’espèce humaine, il en a souvent subi son courroux et sa cruauté. L’alchimie moyenne-âgeuse en a d’ailleurs fait un symbole très parlant du sage qui doit se sacrifier et se faire dévorer afin d’atteindre la plus haute connaissance, le Grand Œuvre.